Saint Gérard Majella, Frère convers Rédemptoriste (1726-1755). Fête le 16 Octobre.

Lundi 16 Octobre 2023 : Fête de Saint Gérard Majella, Frère convers Rédemptoriste (1726-1755).

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http://fr.wikipedia.org/wiki/G%C3%A9rard_Majella.

Fils d'un tailleur qui mourut lorsqu'il était âgé de douze ans, laissant sa famille dans la pauvreté, Gérard essaya de se joindre aux Capucins, mais sa santé fragile l'en empêcha.

Il fut accepté en tant que frère laïc Rédemptoriste, Congrégation nouvelle fondée dans le Royaume de Naples par Alphonse de Liguori.

Il y remplit les fonctions de sacristain, jardinier, infirmier et ... tailleur. Assez joli garçon, il se vit accusé par une femme enceinte d'être le père de son enfant.

Profondément blessé, il se réfugia, à l'instar du Christ, dans le silence pour ne pas accabler son accusatrice ; plus tard, celle-ci retira ses accusations et blanchit sa réputation, et c'est ainsi qu'il commença à être associé comme patron de tous les aspects de la grossesse.

Il avait la réputation de pouvoir pratiquer la bilocation et de pouvoir lire dans les consciences. Il laissa son dernier testament sur une petite feuille de notes dans sa cellule :

«Ici la volonté de Dieu est faite, comme Dieu le veut, et aussi longtemps que Dieu veut.» Gérard mourut de tuberculose à l'âge de 29 ans.

Béatifié le 29 janvier 1893 par le Pape Léon XIII, il fut Canonisé le 11 décembre 1904 par le Pape Pie X.

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https://levangileauquotidien.org/FR/display-saint/ec02bbc4-b3e0-4d4b-9a10-4d4eaa33222d

Saint Gérardo Maiella (Gérard Majella)
Frère convers Rédemptoriste
(1726-1755)

Gerardo naît le 23 avril 1726 à Muro Lucano (Basilicate, Italie). Son père, Domenico Maiella, y exerçait le métier de tailleur ; sa mère se nommait Benedetta Galella.
Il fut Baptisé le jour même de sa naissance. Il semble que la grâce du Baptême eût fait taire en lui les instincts de la nature. Il ne pleurait pas, comme les autres enfants de cet âge. Il ne réclamait pas sa nourriture, et se serait laissé oublier si l'amour de sa mère n'avait veillé sur lui avec sollicitude.
Ce jeune saint religieux est certainement un des saints les plus merveilleux de l'époque moderne ; sa vie est du plus palpitant intérêt.
Prévenu dès l'enfance de grâces extraordinaires, conduit par son bon ange à un sanctuaire de Marie, il vit l'Enfant Jésus lui sourire et quitter sa mère pour jouer avec lui. La Sainte Vierge lui donnait parfois un petit pain blanc. Il ne trouvait de bonheur, à l'âge de huit ans, qu'auprès du Tabernacle.
À douze ans, placé chez un tailleur, il vivait tout absorbé en Dieu, faisait d'étonnants miracles, était déjà possédé de la folie de la Croix, et vivait presque sans manger tout nourri qu'il était de l'Amour de Dieu.
À vingt-trois ans, il entra dans la Congrégation du Saint-Rédempteur, où, dès son noviciat, on le vit pratiquer à un degré héroïque toutes les vertus religieuses. La place de sacristain, qui lui fut confiée, lui donna occasion de satisfaire sa dévotion ; un seul regard sur Jésus crucifié le faisait entrer en extase.

Pas une page de sa vie qui ne soit un composé de merveilles, toutes tendant à la gloire de Dieu et motivées par une prodigieuse Charité envers le prochain.
Ses supérieurs en vinrent à lui défendre de faire des miracles ; et un jour qu'il vit un maçon tomber d'un échafaudage, il lui ordonna de s'arrêter en sa chute en attendant qu'il eût la permission de le sauver.
L'avenir semblait n'avoir pas de secrets pour lui. Thaumaturge pendant sa vie, il l'est devenu encore bien plus depuis sa mort.
La dysenterie, jointe à la fièvre, hâtait la dissolution du pauvre corps de Gérard. Néanmoins, à la stupéfaction de tous, l'air de la chambre était embaumé.
On avait souvent remarqué que Gérard, dans le cours de sa vie, exhalait de toute sa personne une odeur suave.
Ses douleurs et ses souffrances étaient plus aiguës le vendredi, et ce jour-là le parfum était également plus pénétrant.

C'était le 15 Octobre, Fête de Sainte Thérèse. La nuit approchait. S'adressant au Frère Etienne Sperduto qui venait le visiter :
« Mon Frère, dit-il, cette nuit je dois mourir. Habillez-moi ; je veux réciter l'Office des morts pour mon âme. »

Gérard avait toujours été l'enfant privilégié de Marie, et la douce Mère ne pouvait manquer de le secourir à cette heure extrême.
La paix revint sur les traits de Gérard qui s'écria : « Voici la Madone, rendons-lui nos hommages. »
A ces mots il s'absorba dans une profonde extase.
A partir de ce moment, ses yeux ne se détachèrent plus du grand Crucifix et du tableau de la sainte Vierge.
Il ne cessait, durant ce temps, d'invoquer les saints noms de Jésus et de Marie, et de répéter les actes de Foi, d'Espérance, de Charité et de Contrition.
« Mon Dieu, disait-il, je veux mourir pour vous faire plaisir ; je veux mourir pour faire votre très sainte Volonté. »

Le Père Buonamano, alerté par le Frère infirmier, arriva immédiatement et trouva le malade expirant.
Pendant qu'il prononçait les paroles d'une dernière absolution, l'âme de Gérard prenait son vol vers le Ciel.
C'était le 16 Octobre 1755, à minuit et demi. Gérard avait vingt-neuf ans, six mois et neuf jours ; il était dans la Congrégation depuis cinq ans et demi.
A peine Gérard eut-il expiré que de son corps s'échappa un parfum délicieux qui jeta les assistants dans le ravissement.

Gerardo Maiella a été Béatifié le 29 Janvier 1893, par le Pape Léon XIII (Vincenzo Gioacchino  Pecci, 1878-1903) et Canonisé le 11 Décembre 1904, par Saint Pie X (Giuseppe Melchiorre Sarto, 1903-1914).

Pour un approfondissement biographique :
>>> Gérard Maiella - Vie et miracles

 

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http://nominis.cef.fr/contenus/saint/8551/Saint-Gerard-Majella.html.

Saint Gérard Majella

Rédemptoriste (? 1755)

Frère dans la Congrégation Religieuse des Rédemptoristes, fondée par saint Alphonse de Liguori.
Il a douze ans lorsque meurt son père et il devient alors soutien de famille et apprenti-tailleur. C'est loin d'être la richesse et il se prive souvent de son propre pain pour le donner à ses sœurs affamées.
Il avait décidé de faire en toutes choses «la belle volonté de Dieu». Ce qu'il réalisa et que Dieu reconnut en lui donnant de faire d'étonnants miracles.

À Muro Lucano en Basilicate, l’an 1755, Saint Gérard Majella, Religieux Rédemptoriste, qui, saisi d’un élan d’amour pour Dieu, embrassa, partout où il passa, un genre de vie très sévère et, consumé par la zèle de Dieu et des âmes, mourut saintement, encore jeune.
Martyrologe romain.

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http://www.livres-mystiques.com/partieTEXTES/Majella/Majella.htm.

UN PUISSANT THAUMATURGE, SAINT GÉRARD MAJELLA, Frère Rédemptoriste

PRÉFACE

CHAPITRE I — Sainteté précoce. 1723-1738.

CHAPITRE II — Apprenti et domestique. 1738-1749.

CHAPITRE III — Vocation religieuse. 1749.

CHAPITRE IV — Le religieux parfait. 1749-1752.

CHAPITRE V — Puissance d'une âme humble.

CHAPITRE VI — Quêteur et apôtre. Juillet 1752 — Juin 1753.

CHAPITRE VII — Pacificateur et thaumaturge. Juin 1753. — Mars 1754.

CHAPITRE VIII — Le pèlerinage du Mont Gargan. Septembre 1753.

CHAPITRE IX — La grande épreuve. Avril-Juillet 1754.

CHAPITRE X — Saint Gérard à Naples. Juillet-Novembre 1754.

CHAPITRE XI —Le Père des pauvres. Novembre 1754. — Mars 1755.

CHAPITRE XII — Nouveaux miracles. Mars-août 1755.

CHAPITRE XIII — Dons surnaturels.

CHAPITRE XIV — Aux prises avec la maladie. Août 1755.

CHAPITRE XV — Au seuil de l'éternité. Septembre 1755.

CHAPITRE XVI — Les derniers jours. — Octobre 1755.

CHAPITRE XVII — La glorification. 1755-1904

CHAPITRE XVIII — Mission posthume.

 

PRÉFACE

SAINT GÉRARD était un enfant du peuple, un petit ouvrier, qui brilla dans un ordre apostolique, alors de fondation récente.

La grande loi de cette famille religieuse était l'imitation de Jésus-Christ. Gérard s'appliqua énergiquement à reproduire en son âme l'image de Jésus obéissant, de Jésus homme de douleur, de Jésus ami des pauvres et distributeur des Miséricordes.

Bien qu'il n'eût pas été destiné aux honneurs du Sacerdoce, il devint un grand convertisseur d'âmes. Dieu l'investit d'une puissance vraiment extraordinaire, et sa vie est un tissu de merveilles.

Le récit de ces prodiges rappelle le grand thaumaturge du moyen âge, saint Antoine de Padoue, qui parcourut la France et l'Italie en semant les miracles.

Il semble qu'en comblant l'humble Gérard de ses faveurs inouïes, la Providence ait voulu mettre en relief le mérite trop ignoré de la vie humble et cachée dans laquelle le religieux, sans être Prêtre, se voue au service du Prêtre, par Amour pour le Rédempteur et les âmes.

Nous offrons aux fidèles une courte biographie de cet ami privilégié de Dieu, qui devint, surtout depuis sa Béatification, un des saints les plus populaires de l'Eglise.

Ces pages sont puisées aux documents les plus authentiques et s'inspirent surtout de la Vie publiée en italien par le R. P. Benedetti, postulateur de la cause de béatification et de canonisation de saint Gérard.

L'éminent hagiographe avait entre les mains les témoignages juridiques des contemporains, les dépositions aux procès ordinaires et au procès apostolique, les discussions officielles sur les miracles opérés par Gérard durant sa vie et après sa mort.

Nous avons aussi consulté avec fruit deux Vies de Saint Gérard écrites en français, l'une par le R. P. Dunoyer, et l'autre par le R. P. Saint-Omer, l'une et l'autre très répandues en France, en Belgique et au Canada.

A la suite de ces deux belles biographies, puisse notre opuscule augmenter encore le nombre des chrétiens qui sollicitent l'intercession du grand thaumaturge, mais surtout qui imitent les vertus de cet ami de prédilection du divin Rédempteur !

CHAPITRE I — Sainteté précoce. 1723-1738.

Patrie et famille. — L'ami de l'Enfant Jésus. — Communion miraculeuse. — Amour de l'Eucharistie. — Dévotion à Marie.

SAINT GÉRARD naquit le 23 avril 1726, dans la ville de Muro Lucano. Son père, Dominique Majella, y exerçait le métier de tailleur ; sa mère se nommait Benoîte-Christine Galella.

Il fut Baptisé le jour même de sa naissance. Il semble que la grâce du Baptême eût fait taire en lui les instincts de la nature.

Il ne pleurait pas, comme les autres enfants de cet âge. Il ne réclamait pas sa nourriture, et se serait laissé oublier si l'amour de sa mère n'avait veillé sur lui avec sollicitude.

Dès l'âge de cinq ans, le petit Gérard mettait sa joie à parer de fleurs un petit autel orné d'images pieuses, parmi lesquelles celle de l'archange saint Michel tenait une place d'honneur. Devant cet autel, il imitait les fonctions sacrées, tantôt se mettant à genoux, tantôt faisant de profondes inclinations, tantôt se frappant la poitrine, ou chantant de pieux cantiques.

Pour jouir de ce gracieux spectacle, sa mère et des personnes du voisinage l'épiaient par le trou de la serrure et l'observaient quand il remplissait ces pieuses cérémonies.

Les témoignages du procès de sa Béatification assurent que Gérard, âgé de six ans, se rendit seul, sous la conduite de son bon ange, à Capotignano, non loin de Muro, dans une chapelle où l'on vénère une statue de la très sainte Vierge, tenant l'Enfant Jésus dans ses bras.

Il en revint, portant un petit pain blanc. Benoîte, sa mère, lui demanda : « Qui t'a donné ce pain ? — Je l'ai reçu, dit Gérard, d'un beau petit enfant. » intriguée, sa mère, ainsi que sa soeur aînée, Anne-Elisabeth, le suivirent de loin, jusqu'à la chapelle : Gérard recevait ce pain des mains de l'Enfant Jésus.

Le Divin Enfant quittait les bras de sa mère pour jouer avec lui !

Les mêmes témoins rapportent un autre fait de ce genre qui arriva dans le jardin de la famille De Cillis.

Gérard y avait réuni ses petits camarades, et les faisait marcher en procession. Tout à coup, il s'arrête, ramasse deux morceaux de bois et en forme une croix qu'il fixe au tronc d'un amandier.

« A genoux, mes amis, s'écrie-t-il, vénérons et adorons la sainte Croix ! » Les enfants, comme s'ils obéissaient à un ordre du ciel, se prosternent et prient de tout leur coeur.

Subitement, l'arbre resplendit comme un autel chargé de flambeaux allumés. La clarté se répand bien au delà du parc et les habitants du voisinage en sont éblouis.

Bientôt, l'Enfant Jésus apparaît dans la ramure de l'amandier. Puis, descendant de son trône improvisé, il s'approche de Gérard et lui présente, comme dans la chapelle de Capotignano, un joli petit pain blanc.

Devenu plus grand, Gérard fut envoyé à l'école de la ville. Il apprit bien vite à lire, à écrire et à calculer.

Pendant la classe, il se tenait immobile, tout yeux et tout oreilles pour les leçons de son maître. Aussi, celui-ci vouait un intérêt affectueux à cet élève modèle qu'il nommait ses délices.

Mais où Gérard appelait sur lui l'admiration de tous, c'était à l'église. Il s'y tenait constamment à genoux, dans une attitude recueillie, qui ravissait les âmes et les portait à Dieu.

Quand le Prêtre élevait l'hostie sainte, il s'inclinait profondément, le front à terre. Un matin, pressé par un élan intérieur, il s'approcha avec les autres fidèles de la Table sainte, pour recevoir l'Eucharistie ; mais comme il n'avait alors que huit ans, le Prêtre passa outre, sans la lui accorder. Gérard se retira dans un coin de l'église et pleura amèrement.

Ces larmes touchèrent le coeur de Jésus, qui, la nuit suivante, le fit Communier par la main de l'archange saint Michel. Ce fait est appuyé sur de tels témoignages qu'il est impossible de le mettre en doute.

(Le lendemain de cette nuit mémorable, Gérard, avec l'ingénuité de son âge, raconta cette communion miraculeuse devant plusieurs personnes amies de la famille, entre autres, Emmanuelle Vetromila. — Plus tard, devenu religieux, et interrogé au nom de l'obéissance, il confirma la réalité de cette faveur).

Sous l'impression de ces grâces merveilleuses, l'enfant revenait sans cesse vers le Sacrement de l'autel, et restait de longues heures près du Tabernacle.

Dès que la cloche appelait les fidèles à la visite du soir, il sortait de la maison pour aller à l'église, et y entraînait les petits camarades qu'il rencontrait.

A cet Amour envers Jésus-Christ, il unissait une grande dévotion envers la Madone : il faisait ses délices du chant de ses cantiques et de la récitation du chapelet.

Gérard se rendit un jour (ce sont les enquêtes canoniques qui rapportent ce fait) en pèlerinage au sanctuaire de la Mater Domini à Caposèle.

A peine se fut-il prosterné devant l'image miraculeuse de la Vierge, qu'il fut ravi en extase. Il semblerait que la divine Mère se soit alors montrée à lui, et lui ait fait goûter à l'avance les joies éternelles dans l'endroit même où, plus tard, il devait mourir et prendre son vol pour le ciel.

L'Hostie miraculeuse, déposée sur les lèvres de Gérard par la main de saint Michel, avait allumé dans son coeur un très ardent désir de recevoir de nouveau le Pain des anges ; mais il dut attendre l'âge de dix ans pour être admis à la première Communion.

Après l'avoir reçue, l'enfant resta longtemps immobile : Jésus, en ce jour Béni, l'initia encore plus intimement aux secrets de la Contemplation.

Que de fois, le saint enfant, affamé du pain Eucharistique, avait sangloté en voyant les fidèles s'approcher de la Table sainte! Volontiers, il eût communié chaque matin.

Mais, selon l'usage du temps, on crut d'abord ne pouvoir l'autoriser qu'à deux ou trois Communions par mois.

Mais quand on reconnut l'éminente vertu de cet ange d'innocence, on l'admit à la Communion fréquente.

L'enfant se préparait à ses Communions par de longues Oraisons et par des mortifications si rigoureuses que, maintes fois, sa mère et ses soeurs en versaient des larmes.

Mais Gérard croyait toujours n'avoir pas payé assez cher le Bonheur de recevoir Jésus, et les grâces insignes qu'il reçut de Jésus, montrent avec quelle générosité son Divin Ami le payait de retour.

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CHAPITRE IV — Le Religieux parfait. 1749-1752.

L'office de sacristain. — Intimité avec Jésus. — Une extase. — Esprit de soumission. — Merveilles de l'obéissance. — Profession religieuse. — Voeu du plus parfait.

CONFORMÉMENT à leurs constitutions, les Rédemptoristes divisent le noviciat des Frères en deux parties séparées, dont l'une dure un an, l'autre six mois.

Les mois de son premier noviciat révolus, Gérard se vit confier les fonctions de sacristain; aucune charge ne pouvait être plus agréable à son coeur.

Quand il avait terminé son travail à l'église et à la sacristie, Gérard se mettait en adoration près du T. S. Sacrement.

Là, pendant qu'il méditait les merveilles de l'Eucharistie, se révélaient à lui les grands mystères, l'Incarnation, la Naissance et spécialement la Passion de son Maître.

Maintes fois, impuissant à dominer ses impétueux élans d'amour envers Jésus Crucifié, il sortait de l'église et allait se cacher dans une petite grotte voisine, où il renouvelait sur lui la flagellation, réquisitionnant, au besoin, le bras d'un autre, comme il l'avait fait à Muro.

De son côté, Jésus-Christ le récompensait par de singulières faveurs.

On remarqua que, tous les jeudis, à l'approche de la nuit, il était torturé de cruelles angoisses, défait et réduit à une telle langueur qu'on l'aurait pris pour un moribond à l'agonie. La nuit du samedi, il apparaissait complètement guéri.

On en conclut que Gérard éprouvait en lui-même, comme saint François d'Assise et sainte Catherine de Sienne, une reproduction des douleurs de Jésus en Croix.

Cette intime participation à la vie souffrante du Sauveur provoquait, dans l'âme de Gérard, des sentiments si vifs qu'il lui suffisait d'entendre parler de la Passion ou de fixer une image de Jésus Crucifié pour être soulevé de terre dans un état extatique.

Quelques ordinands étaient venus à Iliceto pour faire leurs exercices spirituels. Pendant que l'humble religieux préparait leur couvert, ses yeux rencontrèrent sur le mur du réfectoire un tableau représentant l'Ecce Homo; aussitôt Gérard s'élève en l'air, le regard immobile, les bras étendus, tenant d'une main une serviette, de l'autre une fourchette.

Un Frère, qui passait là, interpelle Gérard, mais ne reçoit aucune réponse ; d'autres Frères accourent et lui parlent sans plus de succès. On va chercher le P. Cafaro, qui, seul, peut arracher Gérard au ravissement, en le secouant par le bras, et en  (21) lui ordonnant, au nom de l'obéissance, de revenir à lui.

C'était surtout à l'occasion de ses occupations à la sacristie que Gérard témoignait à Notre-Seigneur une plus ardente affection.

Sa vue était, pour qui vivait avec lui, un spectacle attendrissant. Une lutte terrible se livrait dans son coeur entre l'obéissance qui l'appelait au travail et l'amour envers Jésus qui l'attirait auprès du Saint Sacrement.

« Un jour, dit le P. Tannoia, je le vis, pendant qu'il traversait le choeur, faire une génuflexion devant le tabernacle; il se débattait pour se relever, comme enchaîné par une puissance supérieure; alors, élevant la voix, il prononça ces paroles : « Laissez-moi aller, car j'ai tant de travail » ; puis, s'arrachant, pour ainsi dire de vive force, il partit. »

Gérard éprouvait une joie ineffable quand approchaient les solennités de Notre-Seigneur et de la sainte Vierge.

Il redoublait alors d'efforts pour orner l'église et les autels, heureux de communiquer aux autres l'ardente dévotion qui débordait de son âme. Chacun disait qu'on n'avait jamais vu et qu'on ne verrait jamais un Frère sacristain semblable à lui.

Ami de Jésus, imitateur courageux de ses vertus, Gérard ne pouvait manquer de faire des progrès extraordinaires dans l'obéissance.

Il avait pour maxime que le bon plaisir de Dieu s'identifiait pour lui avec la volonté de ses supérieurs.

Il n'aurait pas fait un mouvement sans en recevoir la permission. « Pourquoi, disait-il, dans nos actions, même les petites, perdre le mérite de 1'obéissancé ? »

Il fallait, en conséquence, bien peser ses paroles avant de lui donner un ordre. Quand son supérieur parlait, Gérard était comme incapable de raisonner ; il ne lui venait même pas à l'esprit de soupçonner qu'on pût interpréter les paroles d'un commandement autrement que dans leur sens propre.

De là, dans sa vie, ces traits qu'on pourrait appeler les folies de l'âme obéissante. Le P. Cafaro l'ayant désigné pour suppléer le Frère portier, lui dit : « Aussitôt que vous entendrez sonner, laissez toute autre occupation, et courez vite ouvrir. »

Peu après, Gérard se trouvait à la cave, occupé à tirer du vin pour la table, quand il entendit sonner à la porte.

Aussitôt, sans rien mettre en place, il s'élance, tenant d'une main une bouteille et de l'autre un bouchon. Le P. Cafaro l'ayant aperçu, soupçonna qu'il courait à la porte sans avoir pris le temps de tourner le robinet du tonneau. Il ne se trompait pas. Mais, ô miracle ! De ce tonneau ouvert pas une goutte ne s'était échappée.

Cette obéissance à la lettre, plus admirable qu'imitable, plaisait beaucoup à Dieu, puisqu'il la récompensa maintes fois par des prodiges.

Au mois de février 1752, le P. Cafaro, appelé à gouverner le couvent de Caposèle, fut remplacé à Iliceto par le P. Carmine Fiocchi, religieux très distingué.

Celui-ci reconnut bientôt toute la vertu de Gérard , spécialement par rapport à l'obéissance. Un jour qu'il l'avait envoyé porter une lettre dans laquelle, par distraction, il avait omis la chose la plus importante, le bon supérieur pensa en lui-même : « Oh! Si je pouvais le rappeler! »

Gérard, qui était déjà loin, revint aussitôt sur ses pas et se présenta à son supérieur. « Qu'est-ce qui vous ramène ? » lui demanda le Père. Gérard se contenta de lui répondre par un sourire significatif.

Ce fait et d'autres semblables convainquirent le P. Fiocchi que, pour se faire obéir du saint Frère, il suffisait de commander mentalement.

Il eut l'occasion, à Melfi, de s'entretenir avec Mgr Théodore Basta, évêque de cette ville, des étonnantes vertus de Gérard.

Le prélat témoigna au supérieur le désir de connaître l'humble Frère, et se disposait à le faire chercher par un courrier.

« Monseigneur, dit le P. Fiocchi, il n'est pas nécessaire de lui envoyer un messager. Je n'ai, pour le faire venir, qu'à lui en donner l'ordre. »

Le Père se recueillit et intima, en esprit, à Gérard, sa volonté de le voir arriver à Melfi le plus vite possible.

Au même moment, dans le couvent d'Iliceto, le serviteur de Dieu se présentait au Père Ministre, en lui disant qu'il devait partir pour Melfi, parce que le Père Recteur l'y appelait.

Il se met en route, et va droit à l'évêché. Le P. Fiocchi fait l'ignorant, s'étonne de le voir et lui dit en présence de l'évêque : « Pourquoi venez-vous ici?

— Par ordre de votre Révérence. — Mais je ne vous ai appelé ni par courrier, ni par lettre ! — C'est vrai, mais vous me l'avez commandé, au nom de l'obéissance, sur la prière de Monseigneur qui désirait me connaître. »

Puis, accablé de confusion à la pensée qu'on ait pu concevoir de lui quelque estime, il se tourne vers l'évêque et s'écrie : « Mais qui suis-je, sinon un ver de terre, un misérable, qui a besoin de toute la Miséricorde de Dieu ! »

L'évêque avait peine à en croire ses yeux. Désireux de s'édifier au spectacle d'une vie si parfaite, il pria le P. Fiocchi de lui laisser Gérard. Le Père y consentit, à condition que le Frère retournerait bientôt au couvent.

Vers le milieu de l'année 1752, la seconde partie du noviciat approchait de son terme, et saint Alphonse avait écrit d'admettre Gérard à la profession.

Pour mieux se préparer au grand holocauste qu'il devait faire de sa propre personne à Dieu, Gérard, avec la permission de son confesseur, renouvela ses macérations, dans cette même petite grotte du voisinage, qui en avait déjà été témoin. Cette fois encore, le saint eut recours au bras d'un autre : François Teta, un de ses convertis.

Le 2 juillet 1752, Fête de la Visitation de la très sainte Vierge, commencèrent les quinze jours d'exercices spirituels qui, d'après la règle, précèdent la profession ; le 16, en la fête du Très Saint Rédempteur, qui coïncidait, cette année-là, avec celle de Notre-Dame du Mont-Carmel, Gérard Majella émit les voeux simples de pauvreté, de chasteté et d'obéissance, avec le voeu et serment de persévérance dans la Congrégation.

Il est plus facile d'imaginer que de décrire quelle fut la Joie de son coeur. Pour manifester sa reconnaissance envers Dieu, il fit, peu après, le voeu de tendre au plus parfait, dans toutes ses actions.

« Ce voeu, dit le P. Alfani dans le procès apostolique, le porta à un si haut degré de ferveur qu'on reconnaissait en lui , non plus l'homme pétri de limon et de poussière, mais l'ange pénétré de l'esprit de Dieu, pur et immaculé. »

Aussi Gérard allait-il devenir, plus que jamais, l'instrument des desseins de Dieu, et opérer dans les âmes les grandes oeuvres que le ciel voulait confier à son ministère.

CHAPITRE VII — Pacificateur et thaumaturge. Juin 1753. — Mars 1754.

Gérard appelé comme médiateur à Castelgrande. — Le père de la victime. — Gérard à Muro. — Revanche du démon. — Triomphe de Gérard. — Séjour à Melfi. — Prophéties et miracles. — Encore à Melfi. — Lacédonia visité par des fléaux. — Gérard y multiplie les guéri-sons et les conversions.

Au printemps de l'année 1753, la petite ville de Castelgrande, au diocèse de Muro, avait été le théâtre d'un odieux assassinat.

Un jeune homme, François Carusi, avait été tué par le notaire Martin Carusi, probablement son parent. Dès lors, la ville, partagée en deux camps ennemis, vivait sous la menace continuelle d'une lutte à main armée.

Toutes les tentatives de conciliation ayant échoué, on résolut de recourir à la médiation du Frère Gérard.

Le P. Fiocchi l'envoya sans retard à Castelgrande, et lui adjoignit le F. François Fiore.

A mi-chemin, Gérard devait traverser Ruvo del Monte ; les habitants guettaient son passage pour le recevoir en triomphe.

En vain l'humble Frère chercha-t-il à faire un détour afin d'échapper à ces démonstrations. Tous les sentiers étaient gardés, et force lui fut d'aller au-devant des ovations Il se vit retenu plusieurs heures à Ruvo, où la foule l'entourait pour recourir à ses conseils et solliciter ses prières.

Le soleil était déjà couché quand Gérard arriva à Castelgrande. Le gouverneur de la localité, Gaëtan Federici, lui offrit un logement dans sa maison. A peine arrivé, Gérard remporta une victoire signalée sur le démon, en guérissant, à la prière de son hôte, une jeune possédée qu'on lui avait amenée.

Le lendemain, tout Castelgrande était en émoi. La maison de Federici se remplissait de laics, de prêtres, de nobles, de gens du peuple.

On voulait voir Gérard, l'entendre, lui demander des conseils, se réconforter auprès de lui. Il savait consoler tout le monde. Mais il était venu pour réconcilier les ennemis ; de suite, il mit la main à l'oeuvre.

Après avoir prié, il ménagea une première entrevue avec Marc Carusi, père de la victime. Croyant avoir pris peu à peu le chemin de son coeur, Gérard finit par lui proposer de se réconcilier. Ebranlé par ce premier assaut, mais non vaincu, Marc Carusi refusa encore de se rendre.

Dans un second entretien, Gérard enleva la situation. Déjà le pardon était accordé ; les luttes allaient s'éteindre ; il ne restait plus qu'à dresser l'acte officiel de réconciliation, quand une lettre apporta à Gérard l'ordre de se rendre à Muro.

Il partit aussitôt. Sa présence fut, dans sa ville natale, comme elle l'était partout, la cause de grâces providentielles.

Il rendit visite à l'évêque, qui était tourmenté par la goutte aux pieds et aux mains, et ranima son courage avec ces douces paroles que l'on croyait venues du ciel.

Mais pendant son absence, qui ne dura que peu de jours, le démon déchaîna les furies de l'enfer contre l'oeuvre d'apaisement que Gérard avait commencée.

Reprise de ses désirs de vengeance et excitée par ses filles qui partageaient ses rancunes, la femme de Carusi prit en mains les habits ensanglantés de la victime, et, les déployant sous les yeux de son mari, se mit à lui crier « Regarde ces vêtements !

Le sang de ton fils réclame une inimitié irréconciliable contre le meurtrier, et tu te disposes à l'embrasser ! »

Ces paroles, et plus encore la vue des vêtements ensanglantés, troublèrent l'esprit de Marc Carusi et réveillèrent dans son coeur une sauvage colère. Aussi, repoussa-t-il toute idée de pardon.

La première nouvelle que Gérard apprit en rentrant à Corato fut l'anéantissement de ses efforts.

Il s'écria : « Non, l'enfer ne triomphera pas! C'est Dieu qui doit remporter la victoire ! » Sans retard, il court à la maison des Carusi, fait appeler les deux époux et plaide la cause du pardon.

Ils demeurent inflexibles. Gérard ne perd pas courage. Il tombe à genoux devant eux, prend son Crucifix, et, l'ayant posé à terre, il leur dit :

« Venez, venez piétiner le Christ. Ils pâlissent et reculent. Gérard reprend : « Pourquoi vous arrêter? Sachez-le, il n'y a pas de milieu, ou fouler aux pieds Jésus-Christ ou pardonner. Conserver de la haine, c'est mépriser Celui qui a commandé de Pardonner les injures, et qui a Lui-même Pardonné à ses bourreaux. »

Les deux obstinés, bien que profondément émus, ne se rendaient pas encore. Un coup décisif devenait nécessaire :

« Sachez-le, déclara Gérard, c'est Dieu Lui-même qui m'a envoyé! Votre fils est en purgatoire, il y restera aussi longtemps que durera votre obstination.

Voulez-vous le délivrer? Pardonnez. Si vous ne le faites pas, attendez-vous à un châtiment ! » Et il se tourna vers la porte comme pour partir.

— « Non, non, restez, s'écrièrent les deux malheureux, nous voulons pardonner. Nous voulons nous réconcilier tout de suite. »

La réconciliation fut faite. Les haines et les rancunes disparurent pour laisser la tranquillité rentrer dans le pays.

Les jours suivants, le serviteur de Dieu, dans cette même ville, rendit le calme à trois obsédées ; il annonça qu'une fille de son hôte ne serait pas guérie de la cécité, mais qu'elle recevrait, en compensation, des grâces extraordinaires; il rendit la santé à un enfant de trois ans, Antoine Pasi, atteint d'arthrite.

Avant de retourner à Iliceto, Gérard voulut faire une visite au sanctuaire de la « Mater Domini », à Caposèle ; il profita de ce pieux pèlerinage pour revoir son saint directeur, le P. Cafaro, alors supérieur du couvent et qui devait bientôt quitter la terre pour le ciel.

Le 10 juillet 1573, Fête du Très Saint Rédempteur, Gérard, selon l'usage, renouvela ses voeux avec ses confrères, dans la maison d'Iliceto.

Le lendemain, il fut désigné pour accompagner le P. Etienne Liguori et deux autres Pères, qui allaient aux eaux à Melfi.

Les quatre religieux descendirent chez la veuve Murante, dont le fils était entré dans la Congrégation, et ils vécurent en communauté d'une façon très édifiante.

Mais pour Gérard, il n'y avait ni repos ni ralentissement dans la mortification. L'hôtesse ayant` remarqué qu'il répandait, à la dérobée, une espèce de poudre noire sur ses mets, eut la curiosité de goûter cet assaisonnement ; elle ne le fit pas deux fois, car elle y trouva une amertume horrible.

Gérard occupait ses quelques loisirs en pieux entretiens et en oeuvres d'apostolat et de charité. Il fit visite à la famille de Michele, où il trouva un jeune séminariste consumé par une fièvre opiniâtre. « Quelle fièvre? demanda Gérard en lui tâtant le pouls; et il ajouta : Mais vous êtes guéri ! »

En effet, le jeune homme avait été subitement guéri. Gérard lui prédit ensuite qu'il deviendrait un de ses frères dans la Congrégation ; le séminariste protesta avec force ; mais l'avenir justifia bientôt la prophétie.

La saison des bains terminée, Gérard retourna avec les Pères à Iliceto. Là, il apprit que le P. Cafaro, son premier directeur, était gravement malade ; il se mit en prières pour demander sa guérison ; mais le serviteur de Dieu était mûr pour le ciel.

Le 13 août, au moment où Gérard prenait sa récréation en compagnie de ses confrères, il fut subitement ravi hors de lui-même.

Revenu de son extase, il dit : « Je contemplais l'entrée au Ciel de notre P. Cafaro. » Bientôt, arriva à Iliceto la nouvelle que le P. Cafaro était mort ce jour même où Gérard le voyait entrer dans la Gloire éternelle.

Au mois de novembre, sur la demande de l'évêque, Gérard reprit le chemin de Melfi. Il accompagnait le P. Fiocchi, qui allait prêcher la neuvaine de saint Théodore l'Apprenti, dont on célèbre la fête à Melfi le 9 novembre.

Dans le palais épiscopal, où logeaient des deux religieux, se renouvelèrent les allées et venues des Prêtres et des laïcs de toute condition qui voulaient voir et entendre Gérard.

L'évêque, en sollicitant de nouveau la présence du Saint, avait eu en vue la conversion de plusieurs pécheurs, jusque-là irréductibles.

Son attente ne fut point déçue. « Nombreux, dit le P. Tannoia, furent les retours à Dieu que le bon Frère opéra à cette époque. Lorsque les Prêtres pouvaient soupçonner qu'une âme était enracinée dans le péché, ils ménageaient une entrevue entre le pauvre égaré et le serviteur de Dieu.

Le succès était infaillible : en sa présence, les plus fiers se sentaient troublés et perdaient leur belle assurance. En l'entendant parler, les larmes leur montaient aux yeux et ils manifestaient une vive douleur. Quand ils étaient mûrs pour la confession, Gérard, tout joyeux, les conduisait au P. Fiocchi. »

Le don que Gérard possédait de lire au fond des consciences permit de ramener au bien plusieurs victimes de la fausse honte.

Un notable de la ville traînait, depuis de longues années, une chaîne de sacrilèges. Gérard, le rencontrant un jour, lui dit : « Mon fils, tu vis dans le péché. Pourquoi veux-tu mourir damné ? Confesse-toi et rentre en grâce avec Dieu ! »

Le pécheur se hâta de profiter du conseil.

Une dame, qui cachait son hypocrisie sous le voile de la piété, chercha à se procurer un entretien avec Gérard, pour accréditer sa réputation de vertu.

Le Saint la laissa parler; puis, quand elle eut fini : « Ma fille, lui dit-il, pourquoi venez-vous me conter pareilles fables ? Depuis dix ans, vous Communiez en état de péché mortel et vous voulez maintenant parodier la sainteté ?

Allez faire une bonne confession, si vous ne voulez mourir damnée ! »

Cette femme, en proie aux plus terribles angoisses, se hâta de mettre ordre dans son âme et persévéra dans le bien.

Gérard ne se bornait pas à opérer des miracles dans les âmes. La veuve Murante, son hôtesse du mois de juillet précédent, avait vendu le produit de sa vigne, qui lui avait fourni une récolte de plusieurs barriques.

Quand l'acheteur vint enlever la marchandise, il s'aperçut que, dans un fût de grande dimension, le vin avait tourné. Le contrat devait être résilié : c'était justice.

La pauvre veuve s'en affligeait. « Ce n'est rien, lui dit le Saint en apprenant la chose ; mettez dans le tonneau cette petite image de l'Immaculée Conception, et vous verrez que le vin redeviendra excellent. » Elle obéit, et le vin recouvra sa qualité première.

La neuvaine de Melfi terminée, le P. Fiocchi se rendit avec plusieurs autres Pères à Atella, pour y prêcher la mission.

Gérard les suivit comme Frère assistant, et aida, comme toujours, les missionnaires à recueillir des fruits abondants de salut. Après cette mission, Gérard retourna à la vie Contemplative dans la solitude d'Iliceto.

Au commencement de 1754, l'homme de Dieu fut appelé à consoler la ville de Lacédonia, affligée d'une double épidémie, physique et morale: le choléra tuait les corps, le scandale de quelques libertins ruinait les âmes.

Les habitants n'avaient oublié ni l'admirable patience du petit serviteur de l'évêque, ni le prodige de l'Enfant-Jésus dans le puits.

D'un commun accord, on avait sollicité la venue du Saint ; aussi, fut-il accueilli comme un ange du ciel. On désirait le voir : on voulait l'entendre ; on se disputait sa présence.

Gérard logeait dans la maison de la famille Capucci ; mais il n'y résidait guère. Toujours empressé à répondre aux désirs de chacun, il ne se donnait point de repos, se dévouant sans acception de personnes ; s'il marquait quelque préférence, c'était pour les pauvres, qu'il assistait avec une spéciale tendresse.

Il apportait à tous la consolation, exhortant les uns à la patience, préparant les autres au grand voyage de l'éternité, guérissant de nombreux malades.

L'archidiacre Antoine Sapomero, atteint du choléra, se trouva en danger de mort. Appelé auprès du malade, Gérard lui dit : « Archidiacre, rendez gloire à Dieu, car vous êtes guéri. » Dans une relation autographe, parvenue jusqu'à nous, le digne Prêtre ajoute : « Pendant qu'il m'adressait ces paroles, Gérard me fit sur le front un signe de Croix avec le pouce. Je fus instantanément rendu à la santé, et ne me ressentis plus jamais des atteintes du fléau. »

Un frère de l'archidiacre fut frappé à son tour, et, en peu de temps, réduit à l'extrémité. Le moribond voyant le Saint venir le visiter, s'écria : « Béni soit Dieu! »

Gérard répondit : « Allons, courage! Vous n'avez plus de fièvre. » A peine eut-il parlé, que la fièvre disparut.

Gérard guérit aussi par un signe de Croix une jeune fille, Lelia Coccia, devenue folle à la suite de la mort de sa mère.

Un pécheur se mourait, et, même sur le seuil de l'éternité, refusait le ministère du Prêtre. On appelle Gérard; il court, jette un regard sur le moribond, invoque Marie, l'espérance des désespérés, et récite l'Ave Maria.

Le pauvre endurci se laissa toucher par la grâce, se confessa, et bientôt mourut dans les meilleurs sentiments.

Après avoir heureusement terminé sa mission à Lacédonia, le serviteur de Dieu retourna à son cher couvent.

En passant par Bisaccia, il guérit miraculeusement un pauvre père de famille que la douleur avait rendu idiot.

Continuant sa route, il traversa Rocchetta, où il mit fin au scandale d'un Calabrais qui vivait dans une union irrégulière.

Il ne séjourna que trois ou quatre semaines à Iliceto. Au mois de mars, les affaires de la maison le rappelèrent à Atella, puis à Foggia, où il passa la Semaine Sainte, demeurant de longues heures auprès du Tabernacle dans l'église des religieuses du Très Saint Sauveur. « J'ai goûté, durant ces saints jours, une consolation infinie », avouait-il dans une lettre à la Mère Marie de Jésus, carmélite de Ripacandida.

Dans l'intervalle, le serviteur de Dieu avait eu la joie de visiter le sanctuaire de Saint-Michel au Mont Gargan.

Nous allons revenir un peu en arrière pour raconter ce pèlerinage mémorable qui amena saint Gérard auprès de l'Archange, auquel il avait voué, depuis sa plus tendre enfance, une dévotion toute particulière.

CHAPITRE XIII — Dons surnaturels.

Empire sur la création. — Science infuse. — Bilocation. —. Don de se rendre invisible. — Un repas préparé par les anges.

AUTREFOIS saint François d'Assise s'adressait, dans sa Foi débordante, même aux êtres privés d'intelligence pour leur parler du Créateur.

Il aimait, disait-il, sa « soeur » l'eau, parce qu'elle est pure ; il avait chanté le soleil, qui lui rappelait le grand foyer de l'amour; il convoquait ses « frères » les oiseaux, à venir se grouper sur les branches voisines, sur ses épaules même, pour écouter de sa bouche les louanges de Dieu.

L'âme de Gérard vibrait au même souffle que celle de François. Comme le grand fondateur, l'humble Frère jouissait d'une intimité naïve avec les créatures.

Dans les oeuvres il contemplait l'auteur ; pendant les nuits angoissées, au temps de la calomnie, Gérard cherchait dans la voûte étoilée les consolations que la terre lui refusait. Chaque jour cet amour de la nature, cette tendance à considérer le Divin dans les êtres devenait chez lui un sentiment plus vif et plus absorbant.

Une petite fleur sur le bord du chemin, un papillon aux ailes dorées, un oiseau qui fendait l'air, le plongeaient dans le ravissement.

Les prosaïques travaux de la bâtisse n'arrêtaient pas l'élan de cette poésie qui faisait le fond de son âme; ils semblaient, au contraire, lui mettre sous les pieds des échelons qui lui servaient à monter vers les cieux. Aussi, les éléments respectaient le Saint, comme le prouve le fait suivant.

Un jour, le P. Caione avait chargé Gérard de différentes commissions dans Caposèle pour des affaires relatives à la construction.

A peine le Frère s'était-il mis en route qu'un violent orage se déchaîna ; la pluie tombait à torrents, accompagnée d'éclairs et de coups de tonnerre.

Le supérieur, qui connaissait l'héroïque obéissance de Gérard et savait qu'aucune intempérie ne l'arrêterait dans l'accomplissement de sa tâche, envoya aussitôt quelqu'un pour le rappeler. Le messager rejoignit, à peu de distance du couvent, Gérard, qui cheminait avec calme et tranquillité : cette pluie battante avait laissé le Saint complètement sec.

Un autre jour, Gérard s'entretenait près du couvent de la Mater Domini, avec deux ou trois étrangers, parmi lesquels son ancien maître de Muro, le tailleur Vito Mennona.

Pendant qu'ils devisaient ensemble des souvenirs du passé, leurs yeux contemplaient le ravissant paysage qui s'étalait devant eux : une riante vallée, bordée par une montagne pittoresque et boisée.

Soudain, ils aperçoivent, sur une des routes voisines, un jeune homme à cheval, accourant à toute vitesse.

La bête avait pris peur, et, résistant à tous les efforts du cavalier, elle s'élançait à bride abattue dans la direction des ravins qui bordaient le chemin.

A ce spectacle, les compagnons de Gérard, terrifiés, s'écrient : « Il est perdu! » Mais le Saint, étendant la main vers l'infortuné, dit : « Vierge Sainte, secourez-le ! »

Puis, se tournant vers les assistants : « Il tombera, ajoute-t-il, mais il ne se fera pas de mal. » Au moment même où Gérard prononçait ces paroles, le cheval, effrayé sans doute par l'abîme, s'arrêta court sur le bord du précipice. La secousse désarçonna le jeune homme, qui mordit la poussière ; mais aussitôt, il se releva sain et sauf, et reprit son voyage.

Un don que nous avons admiré chez notre Saint dès le début de sa vie religieuse, se manifesta avec un nouvel éclat dans les derniers mois de sa vie : le don de la science infuse.

« Les savants du monde, écrit le chanoine Camille Bozio, recteur du séminaire de Conza, se trouvaient muets et confondus devant le serviteur de Dieu.

Les plus grands théologiens étaient plongés dans la stupeur en conversant avec lui. Sur ses lèvres, les mystères les plus obscurs s'éclaircissaient; il éclipsait tous les docteurs et tous les savants. »

D. Joseph de Lucia, alors étudiant au couvent de Caposèle, voulut en faire l'expérience. Il entama avec Gérard une conversation sur des matières théologiques et resta stupéfait de ses réponses précises et lumineuses ; dans son enthousiasme, il déclara qu'il n'aurait pu entendre de plus belles paroles de la bouche même d'un Père de l'Eglise.

Non content d'édifier les autres en leur apprenant les merveilles de Dieu, Gérard leur communiqua parfois la science que le ciel avait infusée dans son esprit.

« Un prêtre très digne de foi atteste, dit le P. Tannoia, qu'il ne pouvait comprendre certaines phrases métaphoriques dans un ouvrage de Mgr Palafox. Le Saint lui fit sur le front un signe de Croix, en disant : « Lisez maintenant, au nom de la Très Sainte Trinité. »

Le Prêtre ouvrit le livre : à l'instant, il se sentit illuminé intérieurement sur les points restés obscurs jusqu'alors pour lui, et en demeura enthousiasmé.

« Ces choses-là ne sont pas pour vous », dit un jour le Frère au P. Donato Spicci, qui essayait d'approfondir, dans la vie de la vénérable Soeur Marie Crucifiée, un chapitre sur l'état de solitude intérieure au Calvaire.

« Et pourquoi, dit le Prêtre, ces choses ne sont-elles pas pour moi? Après tout, ce n'est pas de l'hébreu. — Allons, reprit Gérard, lisez et expliquez-moi ce que, dans son extase, a entrevu la Sainte ».

Le digne ecclésiastique, après avoir parcouru le passage, dut avouer qu'il ne comprenait rien. Alors Gérard lui fit un signe de Croix sur le front ; puis, l'interrogeant de nouveau, il constata que, cette fois, le Prêtre avait pénétré le sens des paroles mystiques.

Pendant que le Saint révélait en son âme des profondeurs de science qu'on n'y aurait jamais soupçonnées, son regard, plus perçant que jamais, scrutait les coeurs et dévoilait les consciences.

Un jeune homme, nommé Nicolas Benincasa, souffrait d'un mal de poitrine. Conversant un jour avec Gérard, cette pensée lui vint à l'esprit :

« Pourquoi ce Frère qui fait tant de miracles pour les autres, ne prie-t-il pas Dieu de me délivrer de cette douleur?

— Et que dis-tu? s'écria Gérard. Je ne prie pas Dieu pour toi? Tu fais erreur. Dieu ne veut pas que tu aies la santé, parce que, mon fils, tu n'es point pour ce monde. » Peu de temps après, le jeune homme mourut.

« Qu'êtes-vous venue faire ici ? » dit-il un jour à une jeune fille, au moment ou il la voyait sortir de l'église. — « Me confesser, répondit-elle. — Je le sais ; mais vous n'avez pas reçu le Sacrement de Pénitence; car vous avez caché tel péché par fausse honte. » La jeune fille, confuse et repentante, retourna au saint tribunal et répara ses sacrilèges.

Au cours des exercices spirituels que les Pères donnaient dans le couvent, Gérard rencontre un des retraitants, François Mugnone : « François, avez-vous fait une bonne confession ? — Je crois que oui.

— Eh bien ! Je vous dis que non. Ne voyez-vous pas celui qui se tient là derrière vous? » François se retourne et aperçoit un démon. Pris d'épouvante, il court se jeter aux pieds du Prêtre et revient, cette fois, en grâce avec Dieu.

A une personne qui feignait d'être obsédée, Gérard dit un jour : « Vous jouez cette comédie pour un motif que vous ne voulez pas avouer. Si vous ne cessez, je vous dénonce, à votre plus grande honte. » Aussitôt, la prétendue obsession prit fin.

Pendant que Gérard était retenu au couvent par la surveillance des travaux, on l'appela de différents côtés auprès des personnes qui réclamaient son secours.

Pour satisfaire sa charité, il fallait que Dieu lui donnât plus d'une fois le pouvoir de se trouver en deux endroits, et d'accomplir au dehors son ministère sans interrompre ses fonctions dans l'intérieur de la communauté.

Dans la famille De Gregorio, à Lacédonia, un domestique, tombé gravement malade, répétait en se sentant mourir : « O mon Frère Gérard, où êtes-vous? Pourquoi ne venez-vous pas me secourir? »

Or, voici que la porte s'ouvre, et le serviteur de Dieu entre. « Tu m'appelles, dit-il, je viens ; aie confiance en Dieu et tu seras rendu à la santé. » Puis le malade ne vit plus rien, mais il était guéri.

Un jour que le Saint ne recevait pas de réponse de Muro sur des affaires pressantes qui  intéressaient la Gloire de Dieu, il dit : « Il faut que j'y aille demain. »

En effet, on le vit le lendemain à Muro, ainsi que l'attesta Lorenzo di Maio, homme digne de foi ; et, d'autre part, on constata sa présence au couvent de Caposèle.

Un autre jour, le P. Margotta assurait au médecin Santorelli qu'on avait vu Gérard en extase devant le Très Saint Sacrement exposé dans l'église des Franciscaines, une nuit durant laquelle il n'avait certainement pas quitté sa cellule.

La vie de quelques saints, surtout des grands amants de l'Eucharistie, nous apprend qu'ils furent favorisés du don de se rendre invisibles.

Notre saint Frère, sans cesse entouré de Prêtres et de laïcs, ne pouvait se recueillir en Dieu comme il le voulait.

L'ami Divin qui, au Saint Sacrement, se cache à toits les regards, permit plusieurs fois à Gérard de se soustraire par un miracle aux visites et aux recherches des hommes.

— Le matin d'un jour de retraite, on le cherchait à la sacristie, dans sa cellule, dans les différents endroits du couvent, et on ne le vit nulle part.

Survint le médecin Santorelli. « Ne vous inquiétez pas, dit-il, Gérard sortira bien de sa retraite au moment de la Communion. »

En effet, il parut tout à coup s'avançant vers la sainte table. Interrogé ensuite par son supérieur sur ce qui s'était passé, le saint Frère répondit : « Craignant d'être distrait dans ma retraite, j'ai demandé à Jésus la grâce d'être invisible. »

A Santorelli qui, à son tour, l'accabla de questions, il finit par dire en souriant : « C'est que quelquefois je me fais tout petit. »

Tous ces faits extraordinaires remplissaient d'admiration les hôtes du couvent. Leur étonnement fut porté à son comble, un jour que les Pères, les hôtes et probablement l'archevêque de Conza lui-même, en arrivant au réfectoire pour prendre le repas de midi, trouvèrent la table abondamment servie de plats inconnus mais exquis

Mes heureux convives goûtèrent la cuisine des anges. Ce jour-là, Gérard, désigné pour remplir l'office de cuisinier, s'était attardé, après sa Communion, aux pieds d'un Crucifix.

Là, ravi en extase, il avait oublié de préparer le dîner.

L'heure du repas approchait, et Gérard n'avait pas encore paru. On le cherche, et on le voit sortir de l'oratoire le visage enflammé.

Un Frère s'écria avec effarement : « Gérard, qu'avez-vous fait? L’heure du repas va sonner et les portes de la cuisine n'ont même pas été ouvertes.

— Homme de peu de Foi, répliqua le Saint, et les Anges qu'ont-ils à faire? » On donne le signal du dîner, la communauté se rend à table et Gérard leur offre des mets si succulents que jamais jusque-là, ni Frères ni Pères n'en ont goûté de pareils.

Ce trait rappelle saint Isidore le laboureur, dont les anges guidaient la charrue pendant qu'il priait à l'église ; ou encore sainte Zite, l'humble domestique de Lucques, que les anges suppléaient autour de son fourneau, quand elle s'attardait auprès du Très Saint Sacrement.

CHAPITRE XVI — Les derniers jours. — Octobre 1755.

Broyé pour l'amour de Jésus. — Parfums et harmonies célestes. — Prédiction de la mort. — I,a dernière heure. — Sang miraculeux. — Funérailles d'un Saint.

L'OBÉISSANCE avait opéré chez le serviteur de Dieu le miracle d'une amélioration notable. Mais il n'entrait pas dans les plans de Dieu de laisser Gérard plus longtemps sur la terre.

En effet, le 4 octobre, le saint Frère rencontra le médecin Santorelli et lui dit : « Docteur, j'ai obéi; mais je vous ai annoncé que, sous peu, je devais mourir. L'heure approche; il n'y a plus de remède. »

Le lendemain, Gérard fut contraint de reprendre le lit. La maladie présentait les symptômes les plus graves : la poitrine ne respirait que très difficilement; la dysenterie était revenue ainsi qu'une fièvre brûlante. L'unique pensée du saint Frère fut de se préparer à la mort.

Sur sa couche, Gérard ressentait un désir plus ardent que jamais de participer aux souffrances de Jésus cloué sur la Croix.

Il implora la grâce d'éprouver en son âme les peines intérieures et extérieures que le Rédempteur endura au Jardin des Oliviers et au Calvaire.

Son héroïque Prière fut exaucée; et cette vie, déjà si sainte, s'acheva dans les tortures d'un long et indicible martyre.

Bien qu'attentif à ne rien révéler de ce qui se passait entre le ciel et lui, Gérard ne put cependant réussir à cacher les déchirements de son âme.

Un jour, s'adressant au Crucifix, il s'écria : « Ah ! Seigneur, aidez-moi dans ce Purgatoire où vous m'avez plongé. »

Le médecin entrait à ce moment ; surpris de ces paroles, il en demanda la signification : « Cher docteur, dit Gérard, j'ai supplié Jésus-Christ d'être broyé pour son Amour, et le Seigneur a daigné m'exaucer. Je subis le Purgatoire en ce monde, et je me réjouis, puisque c'est le bon plaisir de Jésus. »

Gérard fit les mêmes aveux au Prêtre Don Gérard Gifone, de la localité de Ricigliano, qui était venu le consulter. Le vénérable ecclésiastique interrogea le malade sur la nature de ses souffrances.

Le Saint répondit avec son ingénuité ordinaire : « Je suis continuellement dans les plaies de Jésus-Christ, et les plaies de Jésus-Christ sont en moi. Je ressens dans mon être les peines de la Passion. »

Les mystérieuses angoisses qui, chaque vendredi, depuis plusieurs années, plongeaient Gérard dans une sorte d'anéantissement, furent continuelles durant sa dernière maladie ; mais elles ne se manifestaient dans toute leur intensité que pendant trois heures du jour.

Alors le Saint était accablé des douleurs les plus aiguës. Il se traînait jusque sous le grand Christ déchiré et ensanglanté que, depuis son retour d'Oliveto, il avait fait placer devant lui au-dessus de son lit; et là, il prenait part, autant qu'il le pouvait, à l'agonie de Jésus durant les trois heures qu'il demeura suspendu sur l'arbre de la Croix.

On se sentait le coeur bouleversé à voir le pauvre Frère étendu sous le Crucifix, la poitrine haletante, une pâleur mortelle sur le visage, regardant les plaies de son Bien-Aimé avec des yeux pleins de larmes, et lui disant : « Je souffre beaucoup, mais trop peu pour vous qui êtes mort par Amour pour moi. »

Aussi, quand le médecin et les religieux s'empressaient autour de lui pour le remettre sur sa couche et l'arracher à ces pénibles colloques, il reprenait vivement : « Ah ! Je ne souffre rien ; je souffre plutôt de ne pas souffrir pour Jésus-Christ. »

Ceux qui assistaient le malade ne pouvaient retenir leur émotion quand ils l'entendaient se plaindre des fatigues qu'il imposait à la communauté, se déclarant indigne d'être entouré avec tant de charité. « Je suis, disait-il, un sujet inutile, pourquoi me prodiguer ces soins? »

La dysenterie, jointe à la fièvre, hâtait la dissolution du pauvre corps de Gérard.

Néanmoins, à la stupéfaction de tous, l'air de la chambre était embaumé. On avait souvent remarqué que Gérard, dans le cours de sa vie, exhalait de toute sa personne une odeur suave. Ses douleurs et ses souffrances étaient plus aiguës le vendredi, et ce jour-là le parfum était également plus pénétrant.

Dieu renouvelait les prodiges opérés en saint Joseph de Copertino et en tant d'autres saints, en faveur de son humble Serviteur dont il voulait manifester, par ce signe, la pureté immaculée.

A la suavité de ces parfums venaient se mêler les accords des mélodies angéliques : « Dans la journée qui précéda sa mort, écrit le P. Caione, la chambre de Gérard retentit d'une harmonie céleste qui transportait l'âme en paradis. »

C'était le 15 octobre, fête de sainte Thérèse. Le médecin vint visiter le malade de bonne heure : « Docteur, lui dit Gérard, recommandez-moi à sainte Thérèse et faites la communion pour moi. » Puis, sur son désir, on lui apporta le saint Viatique.

Les assistants conservèrent de cette cérémonie un souvenir ineffaçable. Bien qu'habitués au spectacle de l'ardente dévotion de Gérard lorsqu'il recevait la sainte Eucharistie, ils éprouvèrent néanmoins cette fois un sentiment d'indicible admiration.

Selon les termes du procès apostolique, tous s'écrièrent : « C'est un ange, c'est un séraphin qui s'unit à la divine essence! » Comme pour emporter dans le sépulcre le souvenir de la dernière visite de Jésus-Hostie son unique amour, le moribond demanda qu'on lui laissât le corporal sur lequel avait reposé le Très Saint Sacrement; il le posa sur sa poitrine, et le conserva jusqu'au dernier soupir.

La nuit approchait. S'adressant au Frère Etienne Sperduto qui venait le visiter : « Mon Frère, dit-il, cette nuit je dois mourir. Habillez-moi ; je veux réciter l'Office des morts pour mon âme. »

Il se mit sur son séant et récita le psaume Miserere. Après chaque verset, il faisait un acte de contrition et les larmes jaillissaient de ses yeux en abondance.

Il insista surtout sur ce passage : Tibi soli peccavi et malum coram te feci, et sur cet autre : Et a peccato meo munda me. Il prononçait ces paroles en les accompagnant de profonds soupirs, de pleurs et de sanglots, avec une idée si grande de Dieu et de son infinie sainteté que le Frère infirmier en était rempli d'une religieuse terreur.

Après cette scène émouvante, Gérard demanda l'heure. Le menuisier Philippe Galella, qui revenait souvent le voir, lui dit que l'Angelus du soir avait sonné : « Donc, s'écria Gérard, encore six heures, et puis ce sera la fin! »

A ce moment entrait Santorelli. Malgré les grandes souffrances et l'extrême épuisement du malade, le docteur pensa que la mort n'était pas encore aussi imminente.

Aussi, la communauté, après la Prière, alla prendre son repos, et il ne resta auprès du Saint que le F. Xavier d'Auria, qui observa avec attention ses moindres gestes et s'empressa de satisfaire tous ses désirs.

Vers dix heures du soir, le malade perdit connaissance. Revenu à lui, il se troubla, et, dans son agitation, s'écria : « Vite, vite, Frère Xavier, chassez d'ici ces deux individus; que viennent faire ces misérables? »

L'infirmier comprit qu'il s'agissait de deux démons.

Gérard avait toujours été l'enfant privilégié de Marie, et la douce Mère ne pouvait manquer de le secourir à cette heure extrême.

La Paix revint sur les traits de Gérard qui s'écria : « Voici la Madone, rendons-lui nos hommages. » A ces mots il s'absorba dans une profonde extase.

A partir de ce moment, ses yeux ne se détachèrent plus du grand Crucifix et du tableau de la sainte Vierge.

Il ne cessait, durant ce temps, d'invoquer les saints noms de Jésus et de Marie, et de répéter les actes de Foi, d'Espérance, de Charité et de Contrition.

' Mon Dieu, disait-il, je veux mourir pour vous faire plaisir; je veux mourir pour faire votre très sainte volonté. »

Et quand il lui fut impossible d'articuler une parole, le mouvement de ses lèvres montrait suffisamment que son âme continuait de s'élancer vers son Dieu.

De son coeur s'exhalaient alors des soupirs véhéments qui enflammaient d'amour le Frère infirmier.

Une demi-heure avant de mourir, Gérard demanda un peu d'eau. Le F. Xavier alla aussitôt en chercher.

Mais la porte du réfectoire étant fermée, il dut tarder quelques instants; quand il revint, le malade était couché sur le côté et tourné vers le mur.

L'infirmier supposa qu'il dormait. Mais bientôt il le vit se tourner sur l'autre côté et l'entendit pousser un râle profond : il comprit que c'était l'agonie.

Alors il courut réveiller un autre Frère, ainsi que le Père Buonamano, qui remplaçait le supérieur absent.

Ce Père arriva immédiatement et trouva le malade expirant. Pendant qu'il prononçait les paroles d'une dernière absolution, l'âme de Gérard prenait son vol vers le ciel.

C'était le 16 octobre 1755, à minuit et demi. Gérard avait vingt-neuf ans, six mois et neuf jours ; il était dans la Congrégation depuis cinq ans et demi.

A peine Gérard eut-il expiré que de son corps s'échappa un parfum délicieux qui jeta les assistants dans le ravissement.

Sans retard, le P. Buonamano ordonna aux deux Frères de revêtir de sa soutane la dépouille mortelle du défunt, puis, à cause de la grande idée qu'il avait du Saint, il le saigna au bras, espérant qu'il en sortirait un sang vif. Son attente ne fut pas déçue.

Pris d'un saint enthousiasme, il fit sonner la cloche pour réveiller la communauté. Quand elle fut réunie, il voulut renouveler l'épreuve du miracle; et, en effet, un sang vermeil jaillit en abondance.

Les assistants s'empressèrent d'y tremper des linges que, le lendemain matin, on distribua aux nombreux fidèles, accourus à la nouvelle du décès, et qui se montrèrent très avides de posséder de ces précieuses reliques.

Lorsque, au lever du jour, le F. Carmine Santariello dut annoncer par les tintements de la  cloche que Gérard avait quitté la terre, au lieu de sonner le glas funèbre, il ne put s'empêcher de carillonner joyeusement, comme aux jours de grande solennité.

Ces volées inattendues contrarièrent le P. Buonamano, qui envoya le F. Janvier exprimer son mécontentement à l'audacieux sacristain ; mais il répondit qu'il avait agi de la sorte sous la contrainte d'un mouvement irrésistible.

La nouvelle de cette bienheureuse mort se répandit comme un éclair par toute la contrée. Dès le matin, Gérard avait été exposé dans l'église sur un lit de parade.

A peine ouvrit-on les portes, qu'une foule compacte où se pressaient indistinctement riches et pauvres, ecclésiastiques et séculiers, vint se prosterner auprès de la couche funèbre.

L'un rappelait une prophétie réalisée, l'autre un miracle; celui-ci parlait des secrets de sa conscience que Gérard lui avait révélés, un autre des conversions éclatantes que le Saint avait opérées.

Tous, d'un commun accord, célébraient ses vertus et ses miracles. Les pauvres surtout le pleuraient, et quelques-uns s'écriaient en sanglotant : « Nous avons perdu notre père, notre bienfaiteur! »

L'émotion et l'enthousiasme étaient indescriptibles. Chacun était avide d'emporter quelques reliques du Saint.

On poussa l'audace jusqu'à couper de ses cheveux, et à mettre ses vêtements en lambeaux. Pour empêcher ces pieux mais indiscrets larcins, il fallut mettre des gardes autour du cercueil.

Date de dernière mise à jour : 16/10/2023

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